Ce blog retrace l'histoire de certains de mes ancêtres, collatéraux ou cousins éloignés qui ont laissé une trace, notamment pendant la période révolutionnaire dans le Morbihan.

samedi 3 février 2007

jugement criminel de Michel RUELLO (1770 - 1793), de LANOUEE

Chef d’une insurrection contre-révoltionnaire à Josselin en 1793
Je vous présente le fruit de mes recherches au sujet de cette affaire qui fit grand bruit à Josselin et dans les communes voisines : vous y trouverez
1) le récit des faits, inspiré du Royaume de Bignan de LE FAHLER, lui-même s'étant documenté à partir des lettres et comptes-rendus trouvés aux Archives Départementales de Vannes ;
2) une bibliographie
3) ainsi que la transcription mot pour mot du compte-rendu du procès, mené à charge et de manière expéditive par le président Poussepin.
Suivent quelques notices biographiques des prévenus de Lanouée.
Ce dossier sera complété au fur et à mesure de mes recherches.
1) Le récit des faits :
Ce garçon de Lanouée de 21 ans, frère de mon ancêtre direct Joseph RUELLO (1756 – 1803) fut guillotiné sur la place Publique de Josselin le 1er décembre 1793 à midi par le bourreau ENOS. La veille, en compagnie de trois autres recrues de la commune, il avait été jugé et, avec Pierre Gargasson, condamné à mort pour avoir mené une révolte deux semaines plus tôt, le 24 brumaire an 2 (jeudi 14 novembre 1793) dans la ville de Josselin, en protestant contre la réquisition militaire. Quelque peu avinés, armés de bâtons, ces jeunes Lanouéens, qui venaient d’être requis, avaient essaimé dans la ville en criant contre la République et en se réclamant de la Royauté, en frappant les portes et les murailles et menaçant les habitants. L’affaire avait fait grand bruit et avait exaspéré l’administration du District de Josselin.

Une semaine après les faits, le 30 brumaire (mercredi 20 novembre 1793), à deux heures du matin, 100 hommes de Vannes, dirigés par Athanase POUSSEPIN, adjudant du 3e bataillon de la 17e demi-brigade, - « homme terrible », « grognard qui ne supportait pas la contradiction » (commente Le Fahler) - , partent pour Josselin afin de mater l’insurrection.

Poussepin convoque alors, dès le lendemain, toutes les recrues par cantons dans les salles du château de Josselin. Seules les recrues de Lanouée restent sur place, accompagnés du maire et des officiers municipaux de Lanouée. Ceux-ci refusent de nommer les coupables. Mais rapidement, suite aux vives menaces de Poussepin, quatre des coupables sont désignés : Denis LE GUEVEL, Mathurin RIVIERE, Pierre GARGASSON et Michel RUELLO. Ils sont interrogés dans l’une des chambres du château, avec les accusateurs et les témoins. Denis le Guével profite de l’inattention de ses gardiens pour s’échapper. Les trois autres sont mis en arrestation, ainsi qu’Yves PICHOT, qui lui aussi avait fait partie du mouvement insurrectionnel.
Puis le bouillonnant Poussepin, avant le procès prévu le 10 frimaire (samedi 30 novembre), se renseigne au sujet des paroisses qui ne sont pas en règle avec la première réquisition. Aussi doit-il remplir deux autres missions :
il se rend dans la nuit du 1er au 2 frimaire, avec divers bataillons, dans le canton de Bignan (pays du chef chouan Pierre GUILLEMOT), où il réussit à faire arrêter quelques contre-révolutionnaires, dont les membres de la famille de Leissègues résident au château de Kerguéhennec.
Le 4 frimaire (dimanche 24 novembre), après avoir réclamé davantage de moyens financiers auprès du District de Josselin, il se dirige vers Muzillac, qui reprenait les armes pour la seconde fois et rentre victorieux.

Au retour de son opération, il reçoit les pleins pouvoirs de la part du représentant Vérite-Corbigny de Vannes : fouilles, arrestations, incendies, condamnation à mort sans autre forme d’écriture « contre tous les coupables d’attroupements liberticides ». Tout lui est permis, et il devient même président de la commission militaire du District de Josselin.
Le premier acte de ce nouveau juge est de faire venir la guillotine.
Le procès du 10 frimaire condamne Ruello et Gargasson à la peine de mort.
Tous deux sont guillotinés le lendemain 11 frimaire (dimanche 1er décembre), à midi, par le bourreau Enos.
Suite à ce triomphe républicain, Poussepin retourne à Bignan afin d’y requérir les céréales et les jeunes recrues

2) bibliographie :
a) Source : Archives Lz 916. Commission militaire de Josselin 10-11 frimaire an II. (en trois feuillets). Archives Départementales de Vannes.

b) Revue Historia 1980/1981, numéro spécial n° 2 : Les chouans - l'insurrection bretonne, par Jean RIEUX et Lice NEDELEC, p. 29.

c) Le Royaume de Bignan, de J. LE FAHLER, chapitre : En marche vers l'insurrection, p. 284 à 295.

d) La justice Révolutionnaire dans le Morbihan de Jean-Louis DEBAUVE, docteur en droit, 1965, chapitre 7 : Juridictions militaires et maritimes, III, Section 1. Les cours martiales et conseils militaires de 1790/1791. Commission Perrin, p. 419 - consulté à la bibilothèque de droit de Rennes. On peut y lire : "Jugement à Josselin d'un Ruëllo pour avoir crié avec trois autres personnes de lanouée : Vive le Roi, au diable la Nation"

3) Document 1 :
Jugement de quatre prévenus anti-révolutionnaires (Archives Lz 916) Référence : Transcription des Archives Lz 916. Commission militaire de Josselin 10-11 frimaire an II. (en trois feuillets). Archives Départementales de Vannes.

Le texte suivant reproduit le texte original, avec les fautes orthographiques.

"Du 10 frimaire1793 jugement prononçant peine de mort Commission militaire tenue par les citoyens
Perrin capitaine au 4e bataillon de l’Hérault,
Ralié officier audit bataillon,
Raoült sergent major,
Jean Crémat fusillier idem.
Leguillou nommés par les autorités
Le Guével de cette ville Président
Le citoyen Poussepin commissaire nommé à cet effet

Contre les nommés Pierre Gargasson, michel Ruello, Yves Pichot et (blanc) Rivière, tous quatre prévenus dans la journée du 24 dernier, provoqué au rétablissement de la Royauté, et encore d’avoir été les chefs d’une rébellion qui s’est manifestée dans ce jour, heure de midi, dans cette ville. Les ci-dessus prévenus, vivant ordinairement dans la paroisse de Lanouée et que (mot illisible) quinze jours, environ, volontaires de la 1e réquisition.

Questions faites au tribunal par le Président
Est-il constant que dans la journée du 24 du mois dernier vers une heure de l’après midi, il y a eu dans cette ville grande rue d’y-celle un rassemblement d’hommes armés de bâtons et de la réquisition de la commune de la nouée, oui

Est-il constant qu’il a été crié Vive le roi, Vive lion, ou Vive l’union, au diable la nation, merde pour elle, oui

Est-il constant que Pierre Gargasson et michel Ruello, soient coupables de ses deux premiers délits, oui

Yves Pichot est-il convaincu, non
Pichot est-il véhémentement soupçonné, non
Rivière est-il à vos yeux coupable et convaincu, non
Est-il soupçonné, non.

La commission militaire, établie d’après la loi du treize mars mil sept cent quatre vingt treize et en vertu des pouvoirs donnés par le délégué et au ministre des représentans du peuple pour le département, en date du huit du présent mois après avoir entendu, les prévenus en leur interrogatoire et en leur défense. S’il ( ?) qu’il résulte des dépositions verbales des témoins qu’il est constant que dans la journée du 24 du mois dernier, vers une heure après midi, il y a eu dans cette ville un rassemblement, dont le but a été de provoquer au rétablissement de la Royauté, que Pierre Gargasson et michel Ruello sont convaincus d’avoir été à la tête de cet attroupement, armés de bâtons et d’avoir chanté Vive le roi, Vive l’union ou Vive lion,, au diable la nation, merde pour elle.
Sera condamné conformément aux articles premier et second de la loi du dix neuf mars mil sept cent quatre vingt treize, à perdre la vie et à cet effet ordonne qu’ils seront livrés à l’exécution des jugements criminels et mis à mort dans les vingt quatre heures.
Ordonne en outre conformément à l’article sept de la même loi que les biens des dits Gargasson et Ruello, seront confisqués au profit de la République, sauf à être pourvu, ci par devant que de droit à la subsistance de leur père et mère, s’il y a lieu conformément au même article. La commission a renvoyée absous Jean Rivière et ordonne qu’il sera mis sur le champ en liberté. Et quant à Pichot, elle surçoit au jugement définitif jusqu’après l’exécution du présent jugement. Ordonne qu’il sera reconduit dans les prisons d’arrêt, ordonne en outre que le présent sera imprimé et affiché.

Fait à Josselin publiquement dans une des salles du tribunal, ce dix frimaire, l’an deux de la République, une et indivisible.

Glémaric / a Poussepingreffier du 11 frimaire, l’an deux de la République, une et indivisible.

La commission militaire, attendu que Gargasson et Ruello n’ont point chargé Yves Pichot par leur déclaration de mort, et qu’il n’est survenu aucune autre charge contre lui, ordonne que le dit Pichot sera remi en liberté.

Arrêté en séance publique à Josselin les dits jour et an.
Glémaric / a Poussepin
greffier"


4) Document 2:
Actes de décès des prévenus Gargasson et Ruello
Références : 1 MIEC 091 R15 Josselin NMD 1793-1807. Archives Départementales de Vannes.

Le premier décembre 1793 à Josselin sont enterrés Pierre Gargasson et Ruello Michel de la paroisse de Lanouée, mort environ midi, enterrés au cimetière de cette ville. Laurent Janse (?), officier public.
Guillotinés à midi par le bourreau Enos, sur la place publique de Josselin (cf J. LE FAHLER)

5) Document 3 :
notes biographiques et familiales des quatre prévenus
Références : Archives municipales de Lanouée.·

- GARGASSON Pierre, fils de GARGASSON Jacques et de GILLART Olive, mariés le 21 septembre 1756 à Lanouée.
Né le 25 novembre 1771 à Lanouée (à La Ville Eono), issu d’une famille de huit enfants, dont il est le 5e. (dernier enfant en 1778).
Parrain : Jan BLANCHARD ;
marraine : Perrine RENAUD
Jugé et condamné à mort à l’âge de 22 ans.
Enterré à Josselin.

- RUELLO Michel, fils de RUELLO René (1729-1786) et HILLION Michelle (1729-1773), mariés à Lanouée en 1752.
Né en mars 1770 à Lanouée, issu d’une famille de sept enfants, dont il est le dernier.
Orphelin de mère à deux ans et de père à 16 ans.
N’a pas connu ses grands-parents.
Jugé et condamné à mort à l’âge de 23 ans.
Enterré à Josselin.
Il est l’arrière grand-oncle de l’arrière-grand-père de Bernard GOUGEON. C’est-à-dire qu’il est le frère de notre ancêtre direct, Joseph RUELLO, charron (1756-1803), lui-même père d’Olivier RUELLO, garde-champêtre (1790-1841) et grand-père d’Anne-Marie RUELLO (1816-1871), épouse de GOUGEON Vincent(1809-1883).

- PICHOT Yves, fils de PICHOT Jean et de JOLLIVET Anne.
Né le 27 janvier 1774 à Lanouée (Bocneuf-la-Forêt), issu d’une famille de dix enfants, dont il est le 8e.
parrain : Yves JOLLIVET ; marraine : Michelle BOULLE.
Innocenté puis remis en liberté après l’exécution des deux premiers.
Aucune trace de son décès à Lanouée.
Yves PICHOT est en fait le descendant de mes ancêtres de Lanouée Jan LORAND (1628/1702) et Hélène TEXIER (1634/1699) ;
un autre de leurs descendants se mariera en 1868 à Lanouée avec Vincent GOUGEON (1841/1899), descendant des parents de Michel RUELLO.

- RIVIERE Mathurin, fils de RIVIERE Jacques (décédé le 17 juin 1814) et GUILLET (ou GLET) Mathurine, mariés à Lanouée en février 1765.
Né le 10 août 1771 à Lanouée (aux Croix), issu d’une famille de neuf enfants, dont il est le 3e. (dernier enfant en 1785).
Parrain : Jan GUILLET ;
marraine : Michelle ROUXEL.
Innocenté puis remis en liberté « sur le champ ».
Aucune trace de son décès à Lanouée.

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